En novembre 2008, deux députés partagent un même diagnostic et unissent leurs efforts : Jean Lassalle, un des trois députés Modem, et André Chassaigne, du Groupe Communistes et Républicains. Ils lancent un appel solennel le 18 novembre pour les « Etats généraux des campagnes » : il s’agit de sauver les campagnes françaises de leur désertification, de susciter un sursaut citoyen et d’appeler à la mobilisation de tous.
Les agriculteurs ont à peine la force de lutter et la majorité des ruraux s’éteint dans le silence effrayant des espaces dépeuplés. Les deux députés parlent de ceux dont l’identité est liée à ces campagnes, à leurs valeurs, et qui sont solidaires du pacte territorial français.
Pendant plusieurs mois, Jean Lassalle et André Chassaigne sont allés à la rencontre de ces habitants : une sorte de préfiguration de la Marche. Il fallait briser la loi du silence et donner la parole aux milliers de citoyens qui s’échinaient à croire en leur destin et en celui de leurs territoires. Transcendant les sensibilités politiques, ces deux députés ont appelé les habitants et les acteurs locaux à rédiger des « Cahiers de doléances » qui devaient préfigurer les Etats généraux des campagnes françaises.
Dans ces Cahiers, reçus en 2008, les personnes interrogées parlent de leur lieu et de leur lien. Le génie et le charme des campagnes. L’objectif était de participer à l’élaboration d’une nouvelle manière d’être, de penser et d’agir, correspondant à la réalité de ces terres abandonnées et aux besoins de leurs populations oubliées.
En 2008, les deux députés recueillent donc d’innombrables doléances. Elles dénoncent l’inégalité entre les territoires en ce qui concerne : l’accès aux services publics, l’accès aux soins (déserts médicaux), à l’information (fractures numériques), à la communication (zones blanches), à l’éducation (fermetures des niveaux et classes uniques, voire fermeture des écoles rurales), à la sécurité (fermeture et regroupement des brigades de gendarmerie), aux transports (enclavement, absence de transport en commun), à la représentation politique (suppression des circonscriptions rurales peu peuplées et ils l’annonçaient aujourd’hui celles des cantons), à l’emploi (taux d’emploi plus faibles et taux de chômage plus élevés).
Ils soulignent aussi la disparition des campagnes et le désintérêt du public à leur égard. Cependant, les témoignages montrent, dans l’indifférence la plus totale, la grande inventivité des campagnes, l’organisation de ses habitants.
Ils s’adaptent et résistent en marge des modes dominants, au prix de grands efforts, mais ce semblant d’intégration est dans un équilibre précaire qui devient chaque jour de plus en plus fragile. Cette intelligence collective, nous en retrouvons la source vive dans les Cahiers de doléances de 1789, scrutés par l’universitaire Philippe Grateau.